Les Yeux d'Opale, de Bénédicte Taffin
Sur la planète Opale, vit Héléa, princesse d'un royaume archaïque et assujetti à la volonté d'un ordre religieux. Adolescente tempétueuse, elle tente d'échapper à sa condition infamante de "chimar".
Sur la planète Onyx, Angus est un adolescent, orphelin de père et de mère, et dont le père adoptif, Vince, mène une rébellion clandestine contre le règne sans partage des Intelligences Artificielles (IA). Sous prétexte de protéger les humains, celles-ci régissent leur vie dans un monde aseptisé. Le but des rebelles est de fuir vers une autre planète, là où ils pourraient vivre enfin leur propre vie...
S'il est un talent que l'on peut aisément reconnaître à Bénédicte Taffin, c'est bien cette grande facilité qu'elle possède pour raconter des histoires. Et celle qu'elle nous narre ici est particulièrement palpitante. On dévore chaque page avec un appétit qu'elle sait renouveler avec une aisance déconcertante. Il faut dire que le style de son écriture est clair, coulant de façon agréable. Tout le long des presque 700 pages de ce premier roman, pas une seule fois je n'ai buté sur une phrase. Il faut bien dire que parfois certains auteurs nous servent des phrases alambiquées pour se donner un genre, du style je-suis-un-grand-écrivain-et-j'ai-envie-que-cela-se-voit. Non, ici, l'auteure originaire du Nord de la France (c'est marqué dans la bio en fin d'ouvrage) nous offre une écriture simple qui sert tout à fait l'histoire qu'elle raconte. Attention ! J'ai bien dit simple, et non pas simpliste.
En effet, on suit alternativement deux fils d'intrigue qui ne se rejoindront qu'à la toute fin. Dit ainsi, cela pourrait paraître somme toute assez banal. Seulement voilà, Bénédicte Taffin se permet le luxe d'écrire chaque histoire dans un genre différent. Ainsi, comme je le dis dans le petit résumé introductif, d'un côté il y a la planète Opale, où les gens vivent à la façon de notre Moyen-Âge, et parce que la surface de la planète se trouve privée de métaux, la technologie n'a pu se développer. On est typiquement là dans un univers de fantasy. De l'autre côté il y a le monde très technologique d'Onyx, entièrement régi par les IAs, où les voyages inter-stellaires sont d'une grande banalité, etc. Tous ces thèmes sont plutôt caractéristiques de cette frange de la science-fiction qu'est le space opera. La rencontre entre ces deux genres est ce qu'on appelle la science fantasy. Initié à la fin des années cinquante par Jack Vance et son Planète Géante (on aura l'occasion d'en reparler), ce sous-genre de la SF a vu par la suite des grands noms tels que Anne McCaffrey et son Cycle de Pern, ou bien encore Robert Silverberg et ses romans qui se passent sur la planète géante de Majipoor. La romancière française s'inscrit tout à fait dans cette lignée, qui pourrait à première vue sembler intimidante, mais qui ne l'écrase pas. Bien au contraire, elle reprend à son compte des idées développées par ses aînés. Par exemple, le fait qu'Opale soit dépourvue de métaux, on le retrouvait déjà chez Vance.
Mais n'allez surtout pas croire que le roman de Bénédicte Taffin est une accumulation de poncifs éculés. Bien au contraire, il regorge de thèmes qui, s'ils ne lui sont pas tout à fait propre, ne se rencontrent pas dans tous les romans, surtout ceux destinés à la jeunesse (même si celui-ci n'a pas été écrit par l'auteure spécifiquement pour un public jeune). Ainsi, si je ne devais prendre qu'un seul exemple pour étayer mon propos, ce serait bien sûr celui de l'homosexualité masculine. En effet, les moeurs sont très libres dans la société onyxienne (à défaut d'une liberté totale de conscience), et les couples se forment quelque soit le sexe des partenaires. Personnellement, je trouve ce genre d'approche très rafraîchissante, d'autant que je ne suis pas sûr que ce soit si fréquent.
Bien sûr, ce roman n'est pas exempt de défauts. Déjà, je l'ai trouvé beaucoup trop long. Cependant, comme c'est très bien écrit du début jusqu'à la fin, il m'a été très difficile de repérer les parties dispensables, le superflu qui brise le rythme de l'ensemble (bon, après tout, je ne suis qu'un simple critique, pas éditeur...).
Si la plupart des (nombreux) personnages sont assez bien campés, avec une psychologie fouillée, des caractéristiques bien précises, il en est certains dont on se demande pourquoi ils sont là, à quoi ils servent dans l'histoire, tandis que d'autres ne font que subir les évènements, alors qu'on aimerait les voir réagir. Je pense notamment à Vince, le père adoptif d'Angus qui semble avoir un sursaut d'orgueil qu'à la toute fin du roman. D'autres semblent n'être que des faire-valoirs. Quelques-uns aussi s’effacent, et on se doute qu'ils reviendront dans le tome 2 prévu pour... plus tard (Bénédicte, au boulot !)
Voilà, vraiment pas de quoi passer à côté de ce roman qui, dois-je vraiment le rappeler, se trouve être le premier de cette romancière prometteuse. D'autant plus prometteuse qu'elle est une formidable conteuse. Et si elle sait éviter l'inflation du nombre de pages dans ses prochains romans, cela ne pourra que servir son travail. Un travail qui s'est déjà vu récompensé : Les yeux d'Opale a reçu en mai 2011 un prix, celui de la "Révélation Jeunesse des Futuriales", et a été nommé au prestigieux G.P.I. Pas mal, non ?
note : II
A.C. de Haenne
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