Immortel Ad Vitam

Puisque je viens de le revoir ce week-end, l'occasion est trop belle de vous faire (re)découvrir la chronique qu'avait faite Les Murmures sur ce film dans l'ancienne version de ce blog. Ensuite, je vous propose mon avis, qui n'est peut-être pas si éloigné de celui de mon camarade :

New York, 2095. Une pyramide flottante au-dessus de Manhattan... Une population de mutants, d'extraterrestres, d'humains, réels ou synthétiques... Une campagne électorale. Un serial killer boulimique qui cherche un corps sain et un dieu à tête de faucon qui n'a que sept jours pour préserver son immortalité. Un pénitencier géostationnaire qui perd un dissident subversif congelé depuis trente ans et une jeune femme sans origine connue, aux cheveux et aux larmes bleus... Trois noms : Horus, Nikopol, Jill... Trois êtres aux destins convergeant où tout est truqué : les voix, les corps, les souvenirs. Tout, sauf l'amour qui surgit comme une délivrance...

Immortel Ad Vitam (2004, 1h42), film français réalisé par Enki Bilal, avec Linda Hardy, Thomas Kretschmann, Charlotte Rampling…

Enki Bilal est d’abord connu pour ses superbes Bandes-Dessinées, la majorité d’inspiration SF bien Salle 101qu’il ait goûté à d’autres univers. A côté de ces occupations, il est aussi réalisateur. Immortel est d’ailleurs son dernier film en date. Il est inspiré dans ses grandes lignes par la Trilogie Nikopol dont il est l’auteur même si ce n’est pas à proprement parler une adaptation.

Pendant ce film, au rythme très lent, nous assistons au destin croisé de trois personnages. Le dieu égyptien Horus à qui il ne reste que 7 jours de liberté, la jeune et jolie autant que mystérieuse Jill, et Nikopol, engagé bien malgré lui dans cette intrigue mais s’accommandant très bien de sa liberté retrouvée. Mais il y a aussi le PDG véreux, l’inspecteur défiguré, et John, le mentor de Jill. Au détour de plans magnifiques d’un New York futuriste, entre acteurs réels et images d’animations mis en scène dans des décors très BD.

D’abord vu au cinéma à sa sortie, puis re-visionné un certain nombre de fois en DVD, je suis toujours scié par la qualité de l’image et de la ville représentée par Bilal. Au croisement entre la bande dessinée et le 7ème art. L’association est plus que séduisante. Petit bémol sur les protagonistes animés dont l’incrustation dans l’ensemble laisse à désirer. Cependant, cela dépend de l’interprétation qu’on en a : voulue ou non par Bilal, ce contraste illustre aussi les effets des modifications des corps par la chirurgie, jusqu’à effacer l’humain au profit de l’artificiel. Les panneaux fleurissant dans la ville signés par L’esprit de Nikopol luttant contre la déshumanisation instituée par la multinationale Eugenics.

La société que dépeint Bilal dans Immortel est peu reluisante. Entre une liberté d’expression limitée, une société autoritaire (plus prégnante dans la BD que dans le film) dirigée avant tout par les multinationales (est-on toujours dans la science-fiction ?), des corps humains laissant peu de place à la biologie, et des quartiers mal famés…mais ça en jette graphiquement. Sans compter la récitation de poèmes de Baudelaire. L’intrigue à trois entre Horus/Nikopol et Jill devient presque secondaire. Ou plutôt, elle fait partie d’un ensemble. Mais leur relation n’est pas dénuée d’intérêts. Au contact du dieu et de l’homme, Jill apprendra un certain nombre de choses sur elle, sur ce qu’elle est et ce qu’elle veut devenir. Sans compter que le personnage divin d’Horus, et au travers de lui un certain nombre d’hommes, en prend pour son grade. 

Finalement, il est bien question de l’autonomie des individus et de leur emprise sur leur destinée.

note :

Les Murmures.


Je ne me souviens plus avoir vu ce film pour la première fois au cinéma, mais je me reppelle parfaitement du choc que j'ai ressenti en le visionnant. Bien sûr, il faut savoir passer le choix esthétique du réalisateur de mélanger des personnages de synthèse et des protagonistes réels. Peut-être (je viens de le saisir à l'instant) est-ce fait exprès pour distinguer les êtres humains biologiques de ceux, plus nombreux, qui ont été trafiqués par la multinationale Eugenics (qui fait beaucoup penser à une autre organisation globale qui régit aussi la vie des gens, chroniquée ici) ? A l'époque, je me souviens que cela n'avait absolument pas été un soucis pour moi. Et lorsque je conseillais ce film à des amis, ceux qui l'avaient déjà vu me disaient que, souvent, ils n'étaient pas parvenus à entrer dans l'univers. En le revoyant ce week-end, j'ai éprouvé quelques difficultés à pénétrer ce monde, difficultés que je n'avais pas eues jusqu'ici. Cependant, encore une fois, cela n'a pas duré. Il faut bien dire que, personnages en images de synthèse mis à part, les décors proposés ici sont splendides, proprement vertigineux.

Et cette histoire de triolisme (avec un bon tiers de divinité à l'intérieur) est vraiment bien trouvée, peut-être même la meilleure idée du film. Pour n'avoir fait que survoler la BD du temps de sa sortie, je ne sais pas si cette idée est dû à l'imagination d'Enki Bilal, ou à celle, tout aussi florissante de Serge Lehman qui a été appellé en renfort pour aider à l'adapter sur grand écran. Malheureusement, même si je la trouve sympa, elle suplante beaucoup trop l'enquète policière qui est juste suggérée, avec quelques plans par-ci, par-là. Il y avait là, je pense, matière à présenter un monde futur terrifiant. On a pratiquement que la vision d'une chambre, quoique joliment retranscrite dans ce qu'elle a de glauque.

Reste quand même la jolie prestation de Linda Hardie (peut-être pas la meilleure actrice du monde, mais je trouve qu'elle s'en sort bien), tout en retenue pour un rôle pas évident et, surtout, d'une beauté plastique à couper le souffle. L'acteur allemand, Thomas Kretschmann, porte le film sur ses épaules de façon magnifique. Je trouve qu'il ne fait pas la carrière cinématographique qu'il mérite. A part un petit rôle dans le King-Kong de P. Jackson, je ne l'ai pas revu depuis.

Bref, un film qui possède de très belles qualités (et des défauts, aussi, c'est sûr). Une parmi tant d'autres, celle d'être un film de SF 100% français. C'est trop rare pour ne pas être remarqué.

note : III

A.C. de Haenne 

Commentaires

  1. Vu au ciné lors de sa sortie et je dois le revoir depuis... J'en garde un bon souvenir même si j'avais été un peu déçu de ne pas avoir une adaptation de la BD (seulement les grandes lignes) bien que cela ait permis quelques surprises.
    Pas le film de Bilal que je préfère par contre.

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    1. J'imagine qu'il s'agit plutôt de Bunker Palace Hôtel...

      A.C.

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  2. Yep mais aussi Tykho Moon pour le cabotinage outrancier de Trintigant.

    J'ai regardé Immortel hier soir et j'en suis ressorti avec un sentiment d'insatisfaction. Il manque quelque chose au film mais je n'arrive pas à le décrire.

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    1. Oui, je vois ce que tu veux dire. Pour ma part, comme je le dis dans l'article, il m'a aussi manqué quelque chose, que la partie enquète policière que j'ai trouvée pas assez exploitée.

      A.C.

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  3. Revisionné récemment et toujours autant apprécié malgré son rythme lent et son originalité graphique semi-perturbante. Ne connaissant que très peu l'univers de Bilal, je ne peux critiquer convenablement cet adaptation. Je prends cependant note des autres titres nommés ci-dessus, histoire d'étendre mes connaissances.

    Merci pour ces précieuses critiques.

    Eldey Haime

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  4. Tout le plaisir est pour nous.

    Merci à toi pour ce précieux retour.

    A.C.

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  5. Oui ! C'est sympa d'avoir des retours :)

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  6. un mois pour trouver le temps de lire et commenter ! bref passons :

    ce film je l'ai vu y'a des années, j'en ai très peu de souvenirs. Je ne connaissais pas (et toujours pas)l'univers d'enki bilal. Je ne savais que que c'était un film français !

    c'est pour moi un "film d'auteur", assez perturbant tout en démontrant quelque chose de novateur. N'adhérant pas du tout au côté glauque de cet univers (qui se ressent aussi dans les personnages qui m'ont été antipathiques) je n'ai pas aimé, mais c'est clairement personnel, et je reconnais qu'il y a une recherche esthétique plutôt originale (j'me souviens à peine du mélange perso réels et virtuels, enfin à part les dieux. c'est ça ?)

    Quand j'y repense matrix, toute proportion gardée, à un peu ce même aspect glauque mais là j'ai vraiment adhéré grâce à l'histoire, à la réflexion et à l'émotion qui parvenait à se dégager (et pourtant dans le genre frigo neo et trinity c'est pas mal non plus).

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    1. Je trouve que ce film n'est pas que glauque. Il a aussi un côté lumineux, notamment la fin.

      A.C.

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