Roi du Matin, Reine du Jour (King of Morning, Queen of Day), par Ian McDonald
Dans une maison bourgeoise d'Irlande du Nord, deux drames sont en train de se dérouler. Emily Desmond est une adolescente en plein dans les affres de la puberté. Son père, l'éminent astronome Edward Garret Desmond, est persuadé que la comète qu'il est en train d'observer n'est rien d'autre qu'un vaisseau spatial venant d'Altaïr. Il mettra tout en oeuvre, jusqu'à hypothéquer ses terres et s'aliéner la communauté scientifique, afin de réaliser son rêve : entreprendre un contact visuel avec ces êtres venus d'ailleurs. A présent livrée à elle-même, sa fille s'enfonce dans les bois, totalement nue, à la rencontre de créatures féeriques...
La carrière de Ian McDonald semble connaître des hauts et des bas, du moins en ce qui concerne ses publications en version française. A la toute fin des années 80, Ailleurs & Demain publie coup sur coup son roman Desolation Road et son recueil de nouvelles État de rêve, tous deux parus en 1988 dans leur version originale. Un nouveau grand maître de la SF anglo-saxonne était en train d'exploser (à seulement 28 ans), adoubé par la plus grande collection française de science-fiction ? En Angleterre et aux États-Unis peut-être, mais certainement pas en France, où il faudra attendre 1996 pour qu'un nouveau livre du romancier anglais sorte par chez nous (Nécroville, J'ai Lu). Il faudra encore patienter treize ans avant que McDonald ne perce définitivement (?) le marché français. 2009 voit donc la publication simultanée de deux romans : Brazyl (chez Bragelonne) et ce Roi du Matin, Reine du Jour, quatrième livre de l'auteur qui date de 1991. Ce roman rejoint le catalogue déjà fourni de la collection Lunes d'encre, qui semble être son éditeur régulier depuis, sauf en ce qui concerne la production "jeunesse" de l'écrivain britannique (série Everness, un seul roman traduit pour le moment (2013), chez Gallimard jeunesse). Son dernier roman en date, Luna : New Moon est pour le moment inédit par chez nous.
Si le petit résumé écrit plus haut peut paraître à première vue assez complet (dans la continuité de ceux que votre serviteur écrit d'habitude), il ne reflète en fait qu'une toute petite partie du roman, qui en compte quatre (trois principales et une plus anecdotique). En effet, si le roman respecte une unité géographique (tout se passe en Irlande du Nord, lieu de résidence de l'auteur, au moins durant l'écriture), l'intrigue se déroule avec plusieurs protagonistes qui ont des liens de parenté assez ténus (on le découvre au fur et à mesure) et, surtout, à des périodes différentes (1913, années 30 et fin des années 80). Mais ce qui fait lien entre ces trois parties, c'est bien le fait qu'elles décrivent toutes des parcours de femmes (plus ou moins) fortes qui se battent pour exister, avec leurs armes. Pour la dernière héroïne, Enye MacColl, c'est au sens littéral puisque c'est armée d'un katana qu'elle hante les ruelles sombres de Dublin.
Si les deux premières parties sont vraiment très réussies, adoptant un style "d'époque" très bien trouvé, avec des références théâtrales pour la seconde (deux clochards attendant un troisième protagoniste fait forcément penser à En attendant Godot, du dramaturge irlandais Samuel Beckett), la dernière peut paraître un peu plus faible. En effet, le ton résolument moderne employé pour décrire les aventures de la guerrière urbaine est peut-être un peu dépassé, car daté, ce qui peut paraître comme un paradoxe.
Bref, malgré ce léger bémol, ce Roi du Matin, Reine du Jour est une grande réussite. Ce n'est pas pour rien que ce roman a reçu le Prix des Imaginales (catégorie roman étranger) en 2009 et le G.P.I. en 2010. Aux Utopiales cette année-là, Ian McDonald disait qu'avec ce livre il avait voulu s'approprier de nouveau les mythes de son pays. Selon lui, ceux-ci s'étaient retrouvés accaparés par des écrivains du monde entier et notamment aux Etats-Unis. C'était pour lui un juste retour des choses. Encore fallait-il le faire avec talent. Celui de McDonald est immense et ce livre est une merveille.
A signaler qu'une bibliographie signée Alain Sprauel complète ce roman.
Roi du Matin, Reine du Jour (King of Morning, Queen of Day) - Denoël - collection Lunes d'encre - traduction de Jean-Pierre Pugi - 504 pages - 25 € - D.L. : janvier 2009
note : IV
A.C. de Haenne
Cette chronique a été écrite dans la joie, parce qu'elle entre dans le challenge de Lhisbei Défi SFFF & Diversité, item # 15 :
illustration de Michel Koch |
Si le petit résumé écrit plus haut peut paraître à première vue assez complet (dans la continuité de ceux que votre serviteur écrit d'habitude), il ne reflète en fait qu'une toute petite partie du roman, qui en compte quatre (trois principales et une plus anecdotique). En effet, si le roman respecte une unité géographique (tout se passe en Irlande du Nord, lieu de résidence de l'auteur, au moins durant l'écriture), l'intrigue se déroule avec plusieurs protagonistes qui ont des liens de parenté assez ténus (on le découvre au fur et à mesure) et, surtout, à des périodes différentes (1913, années 30 et fin des années 80). Mais ce qui fait lien entre ces trois parties, c'est bien le fait qu'elles décrivent toutes des parcours de femmes (plus ou moins) fortes qui se battent pour exister, avec leurs armes. Pour la dernière héroïne, Enye MacColl, c'est au sens littéral puisque c'est armée d'un katana qu'elle hante les ruelles sombres de Dublin.
Si les deux premières parties sont vraiment très réussies, adoptant un style "d'époque" très bien trouvé, avec des références théâtrales pour la seconde (deux clochards attendant un troisième protagoniste fait forcément penser à En attendant Godot, du dramaturge irlandais Samuel Beckett), la dernière peut paraître un peu plus faible. En effet, le ton résolument moderne employé pour décrire les aventures de la guerrière urbaine est peut-être un peu dépassé, car daté, ce qui peut paraître comme un paradoxe.
Bref, malgré ce léger bémol, ce Roi du Matin, Reine du Jour est une grande réussite. Ce n'est pas pour rien que ce roman a reçu le Prix des Imaginales (catégorie roman étranger) en 2009 et le G.P.I. en 2010. Aux Utopiales cette année-là, Ian McDonald disait qu'avec ce livre il avait voulu s'approprier de nouveau les mythes de son pays. Selon lui, ceux-ci s'étaient retrouvés accaparés par des écrivains du monde entier et notamment aux Etats-Unis. C'était pour lui un juste retour des choses. Encore fallait-il le faire avec talent. Celui de McDonald est immense et ce livre est une merveille.
A signaler qu'une bibliographie signée Alain Sprauel complète ce roman.
Roi du Matin, Reine du Jour (King of Morning, Queen of Day) - Denoël - collection Lunes d'encre - traduction de Jean-Pierre Pugi - 504 pages - 25 € - D.L. : janvier 2009
note : IV
A.C. de Haenne
Cette chronique a été écrite dans la joie, parce qu'elle entre dans le challenge de Lhisbei Défi SFFF & Diversité, item # 15 :
Et aussi bien sûr le Challenge ABC 2016 :
J'hésite encore beaucoup malgré cette belle critique. Je m'étais précipitée sur Le fleuve des Dieux, après des critiques dithyrambiques et j'ai été particulièrement déçue... Du coup, je ne sais toujours pas...
RépondreSupprimerLe fleuve des Dieux (que j'ai, aussi, dans ma BàL et qui m'attends patiemment), c'est de la SF. Là, c'est plus de la Fantasy, Urban Fantasy même. En plus, même si le style est recherché, il n'y a pas de termes indiens à toutes les pages, voire plus. Tu ne seras pas déçue. Et si tu l'es, viens me le dire ici...
SupprimerA.C.
C'est un très chouette livre, j'en garde un excellent souvenir (après je suis généralement friande de ce genre de thème).
RépondreSupprimerC'est vrai que c'est un roman qui reste longtemps à l'esprit, car il est plein d'images fortes.
SupprimerA.C.