Bifrost n°82 : Neil Gaiman

S'il n'est pas forcément très connu du grand public, l'auteur invité de ce nouveau numéro de Bifrost est une star, une rock star même selon certains (et je ne dis pas ça parce qu'il est marié avec Amanda Palmer). Neil Gaiman, puisque c'est de lui dont il s'agit ici, attire les foules (et pas que sur les couvertures des revues, suivez mon regard). Pour preuve, sa venue au festival des Utopiales, à Nantes. En 2012, l'auteur anglais (qui vit depuis quelques années aux USA) avait fait venir des cohortes de fans (dont votre serviteur faisait partie) chaque jour plus nombreux. En sept participations, je n'ai jamais vu ça...

illustration de Romain Etienne
Mais revenons à ce qui nous intéresse ici : Bifrost spécial Neil Gaiman.

Tout d'abord, Olivier Girard nous livre son habituel édito, même si là cet exercice a quelque chose d'inhabituel puisqu'il y est question des vingt ans de la revue. Eh oui, vingt ans ! Ensuite, ce n'est pas moins de quatre nouvelles qui nous sont proposées, avec une parité parfaite quant aux auteurs. Tout d'abord, c'est l'écrivain indienne (mais qui enseigne la physique aux Etats-Unis) Vandana Singh qui ouvre le bal. Cette nouvelle venue dans le monde des littératures de l'Imaginaire (découverte en France par Gilles Dumay et que l'on peut retrouver grâce à un recueil, Infinités, publié chez Denoël, dans la collection Lunes d'encre) nous offre à lire une histoire assez étrange, La Femme qui se croyait planète (c'est d'ailleurs le nom du recueil cité plus haut, dans sa version originale) où, comme le titre l'indique, une femme est persuadée d'être une planète. Comme l'histoire est narrée du point de vue du mari de ladite femme, ça nous donne à lire une intéressante radiographie de la société indienne. Du moins, d'une certaine société indienne, celle des hommes très aisés, pleine d'une morale stricte. En fait, le mari n'a peur que d'une chose : le qu'en-dira-t-on. Une histoire touchante sur la condition féminine dans un pays qui s'est ouvert depuis longtemps à la modernité mais qui reste, sur plein de points, englué dans ses contradictions. Ensuite, c'est Thomas Day (un habitué) qui s'y colle et nous offre une drôle de petite histoire comme il en a le secret. Coexistence nous parle d'une jeune femme, ancienne championne de tennis reconvertie en boxeuse, qui vient, accompagnée de sa petite amie, en Thaïllande pour rencontrer un ancien champion d'Ultimate Fighting et lui proposer de sortir de sa retraite et combattre contre elle. Je ne vous en dis pas plus afin de vous laisser la découverte des surprises qui émaillent ce récit étonnant, très bien écrit (comme toujours chez Day) et efficace. Mais qui se termine brutalement. En fait l'impression que m'a laissé ce court texte, c'est qu'il s'agit du début d'un roman. J'étais pourtant prévenu puisque la petite intro nous parle justement "d'un nouveau projet ambitieux intitulé « Quatre », qui pourrait bien s'exprimer sous la forme du roman d'un horizon plus ou moins proche. À suivre..." Of course qu'on va suivre ça ! De très près, même. Une deuxième femme au sommaire de ce Bifrost. Dans Qui sème le vent, Marie Pavlenko (encore une nouvelle venue !) nous offre le récit d'une vieille dame complétement perdue au milieu d'une cité. Malgré un style parfait, l'histoire est un peu convenue et on sent la chute arriver très vite. On passe tout de même un très bon moment de lecture et c'est déjà ça. Enfin, Neil Gaiman arrive et ce n'est par rien puisqu'il s'agit ni plus ni moins que la suite de son fameux roman Neverwhere. Dans Comment le marquis retrouva son manteau (toujours traduit par Patrick Marcel), on nous raconte comment... ah ben, en fait, pas la peine de raconter puisque tout est dit dans le titre. Pour avoir lu le roman cité plus haut, je peux juste vous dire avoir été un tout petit peu déçu par cette nouvelle qui reprend certes les astuces du Londres d'En Bas (que je ne révelerai pas, histoire de ne pas gâcher à ceux qui ne connaîtraient pas ; veinards que vous êtes ! Précipitez-vous sur Neverwhere !), mais la magie en moins. Peut-être attendais-je trop de ma lecture ?

De nouveau un cahier critique assez réduit. Entre autres choses, on y trouve une chronique sur Philip K. Dick Goes to Hollywwod et une autre sur Grand Central Arena. Dans la rubrique Parole de libraire, c'est la librairie Millepages qui nous ouvre ses portes. Pascal Thuot et Morgane Steinmetz répondent aux questions d'Erwann Perchoc.

Ensuite s'ouvre le dossier Neil Gaiman. Et là, ce n'est pas moins de soixante-douze pages qui lui sont consacrées. Dans English God..., Maëlle Alan nous donne à lire une petite synthèse biographique et bibliographique de l'auteur né en 1960 à Porchester. Ensuite, avec un second degré assumé (enfin, j'espère...), le traducteur (mais pas que, visiblement) Jean-Daniel Brêque explique à quel point Neil Gaiman a beaucoup été inspiré par son oeuvre. C'est Il me doit tout... Après, nous avons droit à une interview croisée entre l'auteur d'American Gods et celui de Never Let Me Go, Kazuo Ishiguro. Les deux écrivains anglais nous parlent de leur relation aux genres et c'est passionnant. Ensuite, c'est de nouveau un traducteur (mais pas que) qui s'exprime. En effet, dans Bond, le mot est Bond..., Patrick Marcel revient sur son travail pour rendre la prose de Gaiman en Français. Eclairant, pour le moins. Dans Le marchand de rêve, Eric Jentile nous donne à lire une belle petite analyse du gros morceau du pendant comics de l'oeuvre de Gaiman, Sandman. Interviewée par Olivier Girard, c'est la principale éditrice française de Gaiman, Marion Mazauric, fondatrice des éditions Diable Vauvert, qui nous livre ses impressions sur l'écrivain anglais. A la table du Diable... Dans Fragiles miroirs et précieuses fumées, c'est au tour de Thomas Day de s'y coller et de nous parler des nouvelles de Neil Gaiman, en deux recueils parus en France. Ensuite, douze chroniqueurs (dont votre serviteur pour le diptyque American Gods/Anansi Boys) se lancent dans la critique des romans et romans graphiques du romancier britannique. Enfin, c'est l'habituelle et exhaustive bibliographie signée Alain Sprauel qui clôt ce dossier consacré à Neil Gaiman.

Dans sa chronique ScientiFiction, le physicien Roland Lehoucq nous offre ses réflexions sur l'excellent film Ant-Man (2015), réalisé par Peyton Reed. Passionnant, d'autant que pour une fois (ou presque), j'ai à peu près tout compris ! Après les news d'Org, Pierre-Paul Durastanti nous livre sa cargaison de mini-chroniques des bouquins que l'on peut mettre Dans les poches

Pour conclure, on peut dire que ce numéro anniversaire de Bifrost (à signaler que Le Bélial propose une opération spéciale pour fêter les 20 ans de leur revue !) consacré au mec le plus cool de toute la SFFF (peut-être le seul à apparaitre dans les Simpson !) donne encore une fois envie d'aller plus loin encore dans l'oeuvre de cet écrivain/scénariste multi-cartes. Rien que pour ça, on peut dire que la mission de la revue est remplie !

note : III

A.C. de Haenne

chronique réalisée dans le cadre du challenge CRAAA, qui nous manque déjà !











Commentaires

  1. Puisque tu es chroniqueur là-bas, tu pourrais étrangler le maquettiste de ma part et brûler les petits dessins qui parsèment la revue et qui font so 80's ?

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    1. Ben, euh, comment dire ? Non, je ne pense pas avoir ce pouvoir... ni aucun d'ailleurs. Et moi, je les aime plutôt bien, ces petits dessins. Plus que la couverture du présent n°, soit dit en passant. Mais comme Neil l'a trouvée "great", on ne va rien dire (de plus)...

      A.C.

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  2. Les petits dessins sont sympathiques comme dans "oh, vous faites un fanzine photocopié avec des petits dessins. Comme c'est sympathique !". Je ne parle pas des illustrations de textes qui sont une tradition dans les revues SF qui remonte aux origines et qui nous a valut de grandes images. Je parle des petits dessins qui se baladent à droite à gauche pour meubler la maquette et qui me font terriblement penser à ma jeunesse. Je ne suis pas un grand fan des couv dont les titres bouffent les illustrations. Je sais que c'est censé faire une accroche mais, franchement, est-ce que les acheteurs de Bifrost ont besoin d'accroche aussi importante ? La concurrence est très limitée dans les kiosques...

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    1. Franchement, perso elle ne me gêne pas.

      Et les illustrations sont parfois très belles, AMHA.

      A.C.

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  3. Je sais bien que tous ces gens doivent être bénévoles ou payés en exemplaires de romans mais ça n'empêche pas de se remettre un peu en question... Surtout en SF !

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    1. S'ils passent par ici, peut-être pourront-ils te répondre... Comme je te l'ai déjà dit, moi je n'ai aucun pouvoir. Et le seul salaire que je gagne, c'est la gloire d'avoir très modestement contribué (trois fois pour le moment ; le Bradbury, le Gaiman et le tout récent Kloetzer) à son élaboration, en espérant de tout coeur pouvoir continuer.

      A.C.

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    2. Boah, j'imagine que je ne suis pas le premier à faire des remarques mais j'imagine que le maquettiste est droit dans ses bottes - il doit faire le boulot gracieusement et pour trouver un maquettiste de rechange doué, ça doit pas être facile. Je râle je râle mais ce n'est pas moi qui fait la revue - sauf que je râle à chaque fois que je l'achète. Je ferai mieux de proposer mes services pour illustrer gracieusement une nouvelle...

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    3. Voilà, tu viens de trouver la solution : de l'entrisme !

      A.C.

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    4. Li-An, le maquettiste de Bifrost n'est autre que son rédac-chef. Bien que diffusée en librairie (et non en kiosque), la revue a une dimension fanzine, assumée — ses membres fondateurs sont issus du fandom.
      Si vous souhaitez proposer vos services, la page Contact est prévue à cet effet : http://www.belial.fr/pages/contact

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    5. Merci Erwann pour ces précisions bienvenues.

      Li-An, tu sais ce qu'il te reste à faire...

      A.C.

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  4. Merci pour ton avis, je l'ai acheté (sans surprise xD) et ça me donne envie de le remettre sur le dessus de ma PàL ^^.

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    1. Tant mieux ! Oui, je pense qu'il vaut le coup d'oeil. Surtout quand ça parle d'American Gods... ;-)

      A.C.

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  5. Je profite de l'occasion pour te féliciter pour tes interventions dans la revue (me souviens pas l'avoir déjà fait).
    Et pour ta chro. évidemment.

    Sinon, pour l'avoir lu il y a une dizaine d'années dans Fiction (celui des Moutons), j'ai un doute pour "Vandana Singh (découverte en France par Gilles Dumay)".
    Et dans les Simpson, sont passés Poe, Lovecraft, Bradbury, Matheson, King, Chabon (et d'autres sûrement, même si ça ne me revient pas là tout de suite...).

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    1. Oui, tu as raison, je me suis un peu enflammé pour la découverte par Gilles Dumay. Je devrais plutôt dire que c'est le premier éditeur français à lui donner ça change avec un livre.

      Sinon, merci. Mais comme tu as pu le remarquer, c'est assez modeste, comme contribution. Mais je ne suis pas (encore) blasé, c'est toujours une grande fierté de voir son nom au sein d'une revue aussi prestigieuse que Bifrost.

      Après, pour Gaiman dans Les Simpson, oui bien sûr que ce n'est pas le seul. Mais quand je parle aux gens normaux (dans le sens, pas dans le milieu de la SFFF) de Gaiman, et qu'ils me disent ne pas le connaître, je leur dis qu'il est dans le dessin-animé de Matt Groening. Là, forcément, ça leur parle. Et quand je dis que j'ai parlé à Neil Gaiman...

      A.C.

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