Suicide Squad

Pour faire face à une menace "aussi énigmatique qu'invisible", Amanda Waller décide de mettre en place le Projet X. Ainsi réunit-elle la pire engeance qui se trouve enfermée au pénitencier ultra-secret de Belle Reve pour en faire un escadron prêt à tout. Et les soucis ne tardent pas à arriver sous les traits d'un dieu antique qui ravage la ville de Midway City. Réveillé par sa soeur, l'Enchanteresse, que Waller était censée dominer, la déité créé une armée avec ses habitants. Supervisé par le colonel Flagg et son équipe, l'escadron de super-vilains embarquent pour une mission suicide : récupérer une personne d'une importance capitale...

Suicide Squad (2016, 2h10), film américain de David Ayer, avec Margot Robbie, Will Smith, Jared Leto, Viola Davis, Joel Kinnaman...

[ATTENTION ! CHRONIQUE NON GARANTIE SANS SPOILERS !]

A première vue, ce Suicide Squad depuis très longtemps attendu est un bon film avec un casting bien trouvé (Smith et Robbie en tête), de beaux gun fight et d'impressionnants effets visuels. La réalisation est plutôt bonne, on a droit à quelques moments d'émotion et on laisse échapper des éclats de rire à de nombreuse reprises. On passe un agréable moment et la musique est bonne... Bon, faut pas être trop exigeant non plus, mais on a connu bien pire en matière d'adaptation de comics (suivez mon regard à droite et surtout à gauche).

Parce que, malheureusement, si on gratte un petit peu la surface, on se rend vite compte de l'ineptie du scénario, du (re)montage à la hache et de la sous-exploitation honteuses de certains personnages... mais n'anticipons pas, développons plutôt.

Le scénario. Basé sur la série de comics éponyme (créée en 1959 par John Ostrander et Jeff Giffen, elle n'aura sa BD consacrée qu'à partir de 1987), il ne reprend que quelques super-vilains pour en faire une histoire à part entière (à signaler la sortie d'une série "Suicide Squad Movie 2016" ; c'est le serpent qui se mord la queue). Cette idée de prendre les pires criminels (dont certains sont des méta-humains) qui n'ont pas froid aux yeux (oui, petite référence à El Diablo, l'agent pyro-technique de la bande) pour lutter contre un mal pire que celui engendré par eux m'a paru assez originale, surtout dans un long-métrage hollywoodien. Sur cette base, le scénario signé par le réalisateur (film d'auteur ?) et Justin Marks nous révèle de manière plus ou moins subtile les éléments de l'intrigue principale (la menace aussi énigmatique qu'invisible évoquée par Amanda Waller pour justifier la création de l'escadron suicide) et de la secondaire (Le Joker qui veut retrouver sa Dulcinée). Sauf que le péril encouru par la population de Midway City est généré par la bêtise d'Amanda Waller qui n'a pas su gérer sa créature, l'Enchanteresse. Devant le conseil de sécurité, elle prédit donc un danger qu'elle va elle-même mettre en oeuvre (involontairement) et justifier la création du Projet X... Une prophétie auto-réalisatrice est tout de même une base d'histoire un peu limitée. D'autant que le but final de la Suicide Squad n'est pas d'aller sauver la population de la destruction de sa ville, mais de mettre hors de danger... Amanda Waller ! WTF !


Le montage. Comme on le sait (ou pas), l'industrie hollywoodienne du cinéma est affaire de studios. Les producteurs y ont tous les droits (ou presque) et les réalisateurs sont relégués au statut de simples faiseurs à qui il est demandé de limiter au maximum les idées originales. A coup de compromis, certains metteurs en scène doivent se battre pour obtenir le fameux final cut (comme David Fincher qui négocia ce graal sur The Social Network en acceptant que son film ne dépasse pas les deux heures), tandis que d'autres (je pense en particulier à Nolan et à Paul Thomas Anderson) gardent les pleins pouvoirs et font des films qui dépassent allégrement les 2h30 de durée. Or, ici, avec ses 2h10 (alors qu'on aurait pu s'attendre à au moins vingt bonnes minutes de plus), Suicide Squad patit d'un évident manque d'ampleur. Sur ses scènes d'exposition du départ, où seulement deux personnages ont droit à une "bio" (on reviendra sur ce scandale un peu plus tard...) et sur la scène finale (pas si mal que ça, au vu des derniers films de super-héros récents) qui est un peu bâclée, surtout dans sa résolution. On ressent avec douleur que le réalisateur (David Ayer, scénariste de presque tous ses films, mais aussi celui de U-571 et de Training Day) n'a pas eu les coudées franches. Il a même été de notoriété publique que ce film a été remonté plus d'une fois, la version finale ne plaisant pas à la Warner. Bref, du sabotage !


Les personnages sous-exploités. Si Deadshot et Harley Quinn sont les personnages les mieux mis en valeur dans ce film, c'est avant tout parce qu'ils ont été soigneusement casté. Will Smith fait un retour fracassant (après le lamentable film scientologue...) dans un rôle d'anti-héros au grand coeur qui lui va bien : carré, efficace, il a les épaules pour endosser le costume de Deadshot et il le fait à la perfection. En Harley Quinn, Margot Robbie n'est pas mal non plus. Sexy en diable et complètement déjantée, elle est parfaite en femme du Joker. Et c'est là que le bât blesse. Attention, non pas que Jared Leto soit une erreur de casting. A mon goût personnel, je le trouve parfait dans cette nouvelle incarnation du Joker. Parce que, franchement, il fallait passer après Jack Nicholson et, surtout, Heath Ledger. Le seul soucis, c'est qu'on a la désagréable impression que le réalisateur ne savait pas quoi faire de cette créature aux multiples possibilités, de ce diable qui sort de sa boîte à tout moment, prêt à faire exploser sa folie à la face du monde. Ce n'est pas du tout la faute de l'acteur, qui tient vraiment son rôle comme il faut... Et les autres super-vilains, où sont-ils ? A part peut-être El Diablo qui sort son épingle du jeu, tous les autres sont inexistant, ou peu s'en faut. Bon, d'accord, Captain Boomerang aime les licornes roses, mais après, quoi ? Et là où un type comme Joss Wheedon réalisait l'exploit de donner sa place à chacun des Avengers dans le premier film de la série, ici seulement deux s'en sortent et c'est une des plus grandes faiblesses de ce film. Dommage.

Au final, voilà bien un film étonnant. En le voyant, je n'ai pas eu cette impression de nullité effarante qui me prend parfois en voyant certains films (suivez mon regard) et qui me fait regretter amèrement d'avoir payé ma place. Non, là j'ai plutôt eu l'impression de passer un agréable moment... Mais en y repensant et en rédigeant cette chronique, je me dis qu'il y avait tellement mieux à faire (surtout avec un budget aussi conséquent que 175 millions de $ !). Aussi, un seul mot me vient à l'esprit : ratage. Ce n'est pas encore avec celui-ci que DC Comics (par le biais de la Warner) rivalisera avec Marvel. Le prochain, peut-être ?

note : II (parce que, franchement, y'a de bons trucs quand même)

A.C. de Haenne

P.S. : restez jusqu'à la fin si vous aimez Ben Affleck...

Commentaires

  1. Tom Artigue-Cazcarra5 août 2016 à 19:47

    Le film se laisse regarder, mais globalement, les personnage du suicide squad ne sont pas assez méchant à mon goût. On a un ersatz de ce qui nous est donné de voir dans les comics books. La seule vrai méchante du film, c'est la chef de section de la CIA qui crée le suicide squad, une vrai pourriture. Will Smith joue bien mais trop dans ses tics d'acteurs lui étant propre, même si son personnage fait avancer le scénario. Le Joker et Harvey Quinn sont trop cucul la praline, un peu foufou risque tout mais pas assez sauvages incontrôlables et grandiloquent.
    Le scénario n'est pas à la hauteur des personnages rassemblé dans le suicide squad. J'aurais bien vu un scénario plus tortueux où le grand méchant vient exposer progressivement toute sa duplicité et qu'en même temps on puisse s'attacher à lui...
    Je m'attendais à un truc à la Faust Commando un ouvrage de jeux de rôle où on réunis les pire raclures du monde pour aller combattre le mal au coeur même de Hellcity, la mégalopole infernale, pendant déformé de nos cité géantes.

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    1. Oui, on est d'accord, Amanda Waller est une saloperie, aussi bête que méchante. Le Joker, cucul la praline ? Comme je le dis dans cette chronique, le potentiel de ce perso est mal exploité ; Jared Leto fait tout ce qu'il peut pour le faire exister, le pauvre.

      Tu m'intéresses, avec ton Faust Commando...

      A.C.

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  2. En fait à force d'en entendre du mal, je suis curieuse de le voir... mais je n'irais pas jusqu'à payer une place de ciné pour ^^.

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    1. Je pense que c'est un bon choix. Comme je le dis dans ma chronique, c'est un film qui se laisse voir... si on ne gratte pas trop. Mais je me devais quand même de dire ce qui n'allait pas.

      A.C.

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  3. Je vais l'éviter celui-ci. Cela ne me tente pas du tout d'après ce que tu en penses. Dommage, car j'aime bien Will Smith...
    Merci

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    1. Ah ben si tu aimes Will Smith, tu en auras, et du bon. Comme je le dis dans ma chronique, c'est que c'est un film qui se laisse regarder si on ne creuse pas trop... Mais c'est vrai qu'à 10€ la place, il faut faire des choix.

      A.C.

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