Le Déchronologue, de Stéphane Beauverger


« Je suis le capitaine Henri Villon, et je mourrai bientôt. Non, ne ricanez pas en lisant cette sentencieuse présentation. N’est-ce pas l’ultime privilège d’un condamné d’annoncer son trépas comme il l’entend ? C’est mon droit. Et si vous ne me l’accordez pas, alors disons que je le prends ». Ainsi débute le récit du capitaine Villon. Il lutte avec son équipage de pirates pour préserver sa liberté dans un monde déchiré par d’impitoyables perturbations temporelles. Son arme : le Déchronologue, un navire dont les canons tirent du temps.

Imaginez donc un vaisseau typique du XVIIe, croisant dans les caraïbes. Ce sont des pirates. Abimés par la vie et les maladies, joyeux drilles ou sinistres compagnons. Imaginez des ports, et des filles de joie. Du tafia à volonté. Oui, si je vous dis « du rhum », cela perd de son charme exotique. Un récit d’aventure maritime me direz-vous. Oui, mais pas seulement. Imaginez maintenant que ce vaisseau, mené par le charismatique Henri Villon croisera sur sa route Alexandre le Grand en « personne » ou en tout cas sa flotte, parmi d’autres illustres navigateurs. Quel anachronisme. Et bien, ajoutez y des croiseurs modernes, des avions ou assimilés et des technologies d’un autre temps –du notre –qui arrivent entre les mains de ces forbans. Pas étonnant qu’ils les nomment maravillas. Pas étonnant non plus que Stéphane Beauverger nous livre ici un roman épique, science-fictif, haut en couleurs, parmi d’autres qualificatifs élogieux.

Autant vous le dire : ça ne va pas être facile de résumer la trame de ce roman d’un peu plus de 600 pages. En effet, S.B fait tout pour nous désorienter. Il passe du premier chapitre, au seizième et dix-septième, puis avant… puis après etc. Ainsi, de la même manière que ce énième navire commandé par Villon « tire du temps », la trame chamboule notre perception de la notion de chronologie. A ce sujet, je tire mon tricorne tant la métaphore est belle, même si je l’invente surement. Au fur et à mesure qu’on se perd dans cet entrelacement narratif, on voit bien que Villon se perd peu à peu. Comme s’il y avait encore une sorte de cohérence. Certainement pas celle dont on a l’habitude mais bien quelque chose d’étrange autant qu’étranger. Le journal de bord du capitaine, qui sert aussi de support au roman, est là pour en témoigner. Certes, je comprends que cette posture puisse rebuter. Le Déchronologue peut être indigeste. Mais il se mérite. Et lorsqu’on est accepté à son bord, quelle classe ! Il serait bien long d’exposer toutes les idées et trouvailles de Beauverger sans gâcher un peu de l’atmosphère. Citons les jargons des marins. Certains existent, d’autres non. Citons les aventures et les batailles improbables et perdues d’avance. La musique moderne, depuis Irish Rover à New Model Army et Tom Waits, est omniprésente.  Et puis, quand même, citons le talent de narrateur de l’auteur.

Bref, je suis sous le charme de ce roman. Il n’est certainement pas exempt de défaut. J’avoue avoir été surpris et presque déçu par le dénouement un peu artificiel de la fresque. Mais je le recommande à tous les lecteurs qui cherchent une SF inventive et atypique. Le bandeau accolé au roman faisait la liste des prix reçus. Il les mérite largement.

Note : III

Les Murmures.

Commentaires

  1. J'avais adoré ! Et le mot est faible !

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  2. Parmi la ribambelle de prix obtenu, c'était surtout le Grand Prix de l'Imaginaire qui m'avait poussé à essayer un auteur qui m'était complètement inconnu et je n'ai pas regretté! Si parfois le roman est difficile à lire à cause de la chronologie, parfois frustrant, parfois déconcertant, il n'est jamais décevant!!!

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  3. Je suis assez d'accord. Surprenant mais une fois qu'on s'y fait, c'est une bonne surprise. Ceci dit, je reste dubitatif sur la fin qui fait trop... "fin" justement. J'aurais préféré que SB zappe le dernier chapitre où il essaie de boucler l'intrigue. Finalement comme la 4ème de couverture le dit bien, la meilleure conclusion est l'introduction du roman. Mais c'est un caprice de riche.

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  5. Toi qui as lu le roman en version FolioSF, peux-tu me dire s'il est aussi perclu de coquilles que dans sa version d'origine (parue chez La Volte, petit éditeur qui ne doit pas avoir les moyens de se payer de correcteur je pense) ?

    A.C.

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  6. Un livre exceptionnel, à la fois d'une belle et étonnante étrangeté. J'ai lu le livre à l'endroit, puis à l'envers (enfin, pas tout à fait, mais vous me comprendrez) et j'ai adoré. "Christ mort, mes gorets !", cet ouvrage est à lui tout seul une "maravilla" à posséder dans ses cales de lecture !

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    1. Et je l'ai, dédicacé par l'auteur ! Il m'avait même écrit une petite bafouille sur le marque-page...

      A.C.

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