La Religion, de Tim Willocks
Messine, 1565. Mattias Tannhauser s'apprête à réaliser un grand coup commercial avec l'aide de ses deux associés, le géant anglais Bors, et le juif Sabato Svi. C'est alors qu'une comtesse française d'origine maltaise le fait mander chez elle pour lui demander quelque chose d'étrange. En effet, elle veut gagner l'île de son enfance, afin d'y retrouver son fils qu'elle a été forcée d'abandonner à la naissance, douze ans plus tôt. Seulement voilà, l'île de Malte, défendue par l'ordre des Hospitaliers, s'apprête à subir le plus important siège de son histoire. Les troupes de Soliman le Magnifique sont attendues dans les jours qui viennent...
Une fois n'est pas coutume, mon envie de lecture ne s'est pas tournée ici vers ce que l'on désigne sous le terme générique de "littérature de l'imaginaire". En effet, avec La Religion, il n'est pas question de fantastique, ni de Fantasy, et encore moins de S.F. Cependant, j'ai quand même trouvé avec ce long roman les deux éléments que je recherche dans mes lectures : du beau style et du dépaysement. Car Tim Willocks, scénariste à Hollywood (entre autres activités), sait écrire. Il nous sert, tout le long de ce livre, 950 pages d'une écriture ciselée qui ne manque pas de lyrisme. Et il réussit l'exploit de conserver un rythme constant. Bien sûr, les nombreuses scènes de bataille qui nous sont servies de main de maître alternent avec des instants de "romantisme" bienvenus car ils allègent le propos, nous permettant de souffler. Des morceaux d'amour entre deux grosses tranches de guerre. Époustouflant !
Le "héros" que l'on suit quasiment tout le long du roman est pour le moins atypique. En effet, Mattias Tannhauser n'est pas loin de l'athéisme à une époque où les problèmes religieux sont légions : émergence du protestantisme combattu par l'inquisition, guerre contre les musulmans, antisémitisme, etc. Pour tout dire, Tannhauser est loin de tout cela car il a passé son adolescence chez les janissaires, cette secte militariste turque où il a appris à comprendre l'Autre., le musulman honnis voué aux pires tourments de l'Enfer. Dans ce roman, il est bien le seul à ne pas détenir la vérité sur la religion. C'est donc un héros plein d'humanisme que nous dépeint Willocks, même si Tannhauser n'hésite pas à passer de l'infidèle au fil de son épée, si le besoin s'en fait sentir (oui, car il faut bien se défendre).
Ce roman n'est pas toujours exempt d’invraisemblances, comme cette facilité du héros à passer chez l'ennemi, puis à revenir à l'intérieur de la forteresse assiégée. Trois fois rien. Pas de quoi en tout cas de passer à côté de cette lecture magnifique qui nous offre un dépaysement total. La Religion est vraiment le genre de lecture qui vous remue les tripes, et dont on ne voudrait jamais sortir.
note : IV
A.C. de Haenne
Petite précision : la suite tant attendue de ce roman, Les Douze enfants de Paris, sort chez Sonatine le 13 mars 2014.
Petite précision : la suite tant attendue de ce roman, Les Douze enfants de Paris, sort chez Sonatine le 13 mars 2014.
Je me souviens de cet épisode de Fantasy au petit dej' :
RépondreSupprimerhttp://fantasyaupetitdejeuner.blogspot.com/2009/05/la-religion-par-tim-willocks.html
Ton article confirme mon envie de me procurer ce livre. Peut être pas maintenant, mais ça a l'air d'être quelque chose d'assez grandiose. ça me parle
En effet, cet épisode de Fantasy au petit dej' m'avait aussi fait grande impression. Une critique dans Bifrost (faudra que je retrouve lequel) en avait ajouté une couche. Et quand je l'ai vu en poche en évidence chez mon libraire indépendant, juste avant Noël, j'ai fait un signe à ma compagne pour l'avoir sous le sapin... Franchement, je ne regrette absolument pas ma lecture.
RépondreSupprimerA.C.
C'est marrant comment certains ouvrages "mainstream" peuvent faire l'unanimité des lecteurs de SFFF. A croire que la frontière n'est pas si étroite entre la fiction et l'imaginaire ...
RépondreSupprimerTu sais, si tous les romans SFFF étaient aussi bien écrits que celui-ci, on aurait pas besoin d'aller chercher dans le mainstream...
RépondreSupprimerA.C.
Une des lectures qui m'a le plus frappé ces dernières années, et un des romans historiques que je préfère. Grand bouquin, vraiment. (Et pour rebondir sur ce qu'écrit Orkan, c'est tout à fait le genre d'ouvrage qui peut plaire à un fan de, par exemple, GRRR Martin, lui-même fou de romans historiques.)
RépondreSupprimerLa suite (Twelve Children of Paris) est en cours de traduction. Un pavé encore plus gros que celui-là !
RépondreSupprimerA.C.
Arggg je vois la date de ton com et fatalement ça me rappelle des souvenirs !! J'avais commencé sa lecture depuis une semaines et la veille de ton com je me faisais une fracture bimalléolaire, l'herbe bretonne cette traitresse. Le 14/08 j'etais sur le billard et 9 jours avant pour mon anniv, annonce du décès de RCW. Après tous ça, grosse panne de lecture ...
SupprimerC'est la critique de Simon Pinel qui m'avait convaincue. J'ai lu 300 pages et malheureusement jamais fini !! Mais je vais m'y remettre le début m'a beaucoup plus. Et l'arret de sa lecture était indépendante de ma volonté, sinon il serait fini ça va de soi :p
RépondreSupprimerOui, je comprends ton sentiment. Parfois, contraints et forcés, on est obligés de cesser une lecture (qui ne nous tombe pas du tout des mains, loin de là) en se disant qu'on le reprendra plus tard. Mais en ce qui concerne celui-là, ce ne doit pas être évident, tout de même, de s'y remettre. En espérant que l'arrivée prochaine de la "suite", t'en donne l'envie.
SupprimerA.C.