L'interview d'Alexandre Girardot (2/4)

Comme promis, voici donc la deuxième partie de l'entretien que j'ai eu avec Alexandre Girardot : 



A.C. de Haenne : Pourrais-tu préciser un peu ton premier projet éditorial ? 

Dominique Warfa, et son chien Simba
Alexandre Girardot : Oui. Quinze jours après avoir mis en ligne le site de LSP, lorsque j'ai été contacté par Dominique Warfa – l'auteur de SF et de Polar, Belge francophone –, je dois bien dire que j'ai été très surpris. Je ne voyais pas un écrivain de cette stature venir vers moi si tôt après la création de notre maison. Toutes les maisons d'édition vers lesquelles il s'était tourné lui avaient rétorqué que la nouvelle ne se vend pas. De notre côté, nous pensons le contraire. Et de toute manière, le travail d'un écrivain a le droit d'exister et il faut dire aussi que les éditeurs traditionnels sont plutôt frileux concernant le numérique et par ailleurs nous savons qu’il existe un marché pour les textes courts. Ces textes sont très bien adaptés à la lecture sur tablettes, smartphones ou liseuses...

Fiction n°280, mai 1977
A.C. : Tu penses que c'est le lecteur qui décide ce qu'il va lire, plutôt que l'éditeur ?
A.G. : Clairement ! L'auteur écrit des histoires pour ses lecteurs. L'éditeur doit être au service de l'auteur pour lui permettre de rencontrer le lecteur. Donc, c'est à l'éditeur d'aller chercher les lecteurs. C'est ça notre boulot !
Pour ça, il y a plusieurs manières d'y parvenir. A la fois de façon technique, et en terme de communication. Il faut innover, et les maisons d'édition classiques ont beaucoup de mal à s'adapter aux nouveaux outils de communication…
A.C. : Je crois savoir que vous lancez une collection. Qu'en est-il exactement ?
A.G. : En fait, j'aimerais reparler un peu de Dominique Warfa...
A.C. : Je t'en prie...
A.G. : Alors voilà, j'ai lu ses nouvelles et c'est magnifique ! On ne peut identifier son écriture très maîtrisée à la SF, c'est plutôt trans-genre...
Il a déjà structuré son recueil en quatre parties pour donner du sens à chacune d'entre elles. Il survole tous les grands thèmes de la SF dans ce recueil de vingt-quatre nouvelles, dont trois inédites. La première a déjà été publiée dans Fiction en 1977. C'est un travail magnifique !
couverture signée Hélène M. Larbaigt
Et c'est Hélène M. Larbaigt qui a réalisé la couverture. C'est une illustratrice qui fait du livre illustré, qui fait pas mal de choses, et qui a un univers graphique à mi-chemin entre Lewis Carroll et Tim Burton. Elle a un talent fou !
Elle réalise aussi les couvertures de la collection...

A.C. : C'est donc un projet important ?
A.G. : Oui, on y tient beaucoup...
A.C. : Alors, à propos de cette collection, pourrais-tu nous en parler ?
A.G. : J'ai fait la connaissance de la proto-SF grâce à Philippe Ethuin, qui tient le blog ArchéoSF, qui a une rubrique sur ActuSF, et qui sort quelques livres sur la proto-SF chez Publie.net...
On se suit depuis un moment déjà... C'est grâce à lui que j'ai découvert tout cet univers.
Je me suis dit : les gens ont une vision un peu faussée de la SF. On pense souvent que c'est un truc très anglo-saxon, alors que dans la proto-SF on trouve surtout des auteurs français et européens. Et pas du tout des auteurs anglo-saxons, ou très peu. Un ou deux qui marquent en termes de SF au XIXème siècle...
A.C. : A part H.G. Wells...
A.G. : Voilà. A part H.G. Wells, quelques rares autres...
Couverture de H.M. Larbaigt
Avec toute cette production française de proto-SF assez méconnue, presque introuvable à part en numérique (en PdF chez Feedbook, les e-book gratuits, ou chez Gallica), j'ai pensé que ce serait bien de les rééditer en format papier, et aussi au format numérique. De façon à les rendre de nouveau disponibles.
Faire une collection qui donne envie au lecteur d'en connaître un peu plus, de fouiller un peu plus et qui nous permette, de démarrer un catalogue qui soit cohérent en terme éditorial, qui reflète l’esprit Long Shu Publishing...
En gros, on commence au IIème siècle avec L'Histoire Véritable, de Lucien Samosathe, et on finit dans les années 30 avec Maurice Renard, en passant par Gustave Lerouge, par Voltaire. Voltaire, avec Micromégas. Gustave Lerouge, et La Conspiration du Milliardaire, Camille Flamarrion et La Fin du Monde...
A.C. : Je crois savoir d'ailleurs que le roman de Flamarrion est déjà disponible sur le site de LSP.


A.C. de Haenne

Commentaires

  1. Donc…

    2/ Ah oui, le chien se nomme Simba…

    Soyons clair et réaliste, rayon polars, je n’ai qu’une nouvelle (écrite en collaboration) et des projets plus ou moins avancés dans mes cartons.

    Stature ! Certes, j’écris et suis publié depuis le milieu des années 70. Mais je n’ai pas écrit beaucoup, beaucoup… J’ai surtout mené une longue carrière de critique, essayiste et théoricien, qui n’est d’ailleurs pas terminée. Il paraît que cela a fait de moi un incontournable de la SF belge (francophone), mais bon… (S’il fallait croire tout ce qu’on entend…)

    Je ne sais pas si je suis trans-genre en littérature. Pour moi, hormis certains écarts polardeux, fantastiquarts ou fantasyesques, j’écris de la science-fiction. Avec « S » pour « science ». Et je le revendique. Si j’écris un jour un roman (on peut rêver), en tout cas il n’y sera pas question de vampires, même sexys, ni d’elfes, même mignon(ne)s… Ce n’est ni un jugement de valeur ni une condamnation de ces genres, de ma part (comme d’aucuns ont pu le croire voici des années), mais un simple choix personnel. Je dois être un rationaliste positiviste. Si je glisse vers d’autres approches (il y en a dans ce recueil), cela relèvera souvent de l’hommage (à Jean Ray, à Serge Delsemme), voir d’une dépression qui m’a conduit vers un fantastique noir quasi en écriture automatique. Et puis, j’espère ne pas être intolérant, car en revanche comme lecteur je ne me bâtis aucune exclusive.

    Moi aussi, Alexandre, j’aime bien parler de Fiction et de 1977. Intégrer une revue dont on a rêvé depuis qu’on lit de la SF, cela reste immensément intense – surtout quand Daniel Riche assortit sa lettre d’acceptation de commentaires positifs sur l’écriture (je suis quelqu’un de peu confiant, et l’avis des professionnels m’a toujours été nécessaire pour progresser : de bons « éditeurs », au sens anglo-saxon du terme, tels que Philippe Curval, Richard Comballot, André-François Ruaud, Francis Valéry ou Sylvie Denis, entre autres, sont pour beaucoup dans les textes réunis ici). Ah oui, les dates. Il y a un texte antérieur, quand même, paru en 1976 – et j’en avais écrits d’autres, avant…

    Voilà. Si vous désirez apprendre d’autres détails concernant l’auteur, il faudra attendre l’accès à cette « édition augmentée » qu’Alexandre vous prépare sur le web. Et j’attendrai également quelques commentaires.

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    1. "de bons « éditeurs », au sens anglo-saxon du terme, tels que Philippe Curval, Richard Comballot, André-François Ruaud, Francis Valéry ou Sylvie Denis, entre autres, sont pour beaucoup dans les textes réunis ici"

      Ben, je trouve qu'il y a pire, dans le genre...

      A.C.

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  2. Bonjour Dominique,
    Je vous cite : "Stature ! Certes, j’écris et suis publié depuis le milieu des années 70. Mais je n’ai pas écrit beaucoup, beaucoup". Quand je regarde votre biographie, je note quand même un nombre conséquent de nouvelles et une petite ligne "scénario". Concernant ce dernier, pourquoi est-il seul, l'expérience ne vous a-t-elle pas plu ?
    Je vais avoir le bonheur de vous lire très prochainement (Alexandre, tu dois m'envoyer les fichiers !) et je ne manquerai pas de revenir vers vous.
    Dans le cadre de Long Shu Publishing, quelles sont vos attentes, vos projets ? Aurons-nous le plaisir d'accueillir des textes exclusifs ?
    Bien amicalement,

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    1. Il y a déjà deux nouvelles inédites dans ce recueil. On verra ce que donnera l'avenir ;)

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    2. Bonjour Sabine,

      Oui, un unique scénario de BD. Je ne sais pas trop si cela m'a plus ou non, mais ce qui est certain en revanche c'est que l'essai ne s'est pas transformé - le scénario est demeuré scénario. J'en ferai peut-être une nouvelle.

      Quant à l'avenir, passons d'abord le 21 décembre à nous foutre de la tronche des vieux Mayas...

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  3. "J’ai surtout mené une longue carrière de critique, essayiste et théoricien, qui n’est d’ailleurs pas terminée"

    Il y a-t-il un moyen de trouver cette partie-là de ton travail quelque part ?

    A.C.

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    1. On va donner des éléments de réponses dans la biographie et la bibliographie qui sera accessible via la fiche Auteur de Dominique, sur le site web de Long Shu Publishing directement, mais également accessible via smartphones et tablettes grâce les QR-Codes des éditions papier (et aussi, pour ceux qui ne sont pas outillés, l'URL écrite en "dur"), ainsi que par des liens hypertextes qui seront présents sur les éditions numériques.

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