Anamnèse de Lady Star, par L.L. Kloetzer

Le Satori marque profondément l'humanité car il est le point zéro d'une nouvelle ère historique. Dans un futur proche, un attentat à Islamabad annihile les trois quarts de la population mondiale, plongeant les survivants dans un chaos indescriptible. Une arme inédite a été utilisée pour cette action terroriste : une bombe iconique qui, grâce à des symboles bien spécifiques, est capable d'entrer dans sa victime pour détruire ses défenses psychiques. Pire, il peut même se transmettre tel un virus. Les auteurs de ce complot mondial sont vite identifiés, puis tous exécutés. Tous ? Non, une étrange créature, déesse ou extra-terrestre nul ne le sait vraiment, semble échapper à toutes les identifications, à l'appréhension de chacun, voire à la compréhension générale...

illustration de Stéphane Perger
Précédé d'une réputation pour le moins élogieuse et couronné par un G.P.I. (catégorie roman francophone, en 2014), d'un prix du Lundi (2013) et d'un Rosny-Aîné (2014), Anamnèse de Lady Star (ALS) est le deuxième roman de l'entité hybride formée par les deux membres du couple Kloetzer, Laure et Laurent (à qui l'on devait déjà CLEER, déjà paru en Lunes d'encre). 

Je dois bien l'avouer tout de suite, j'ai ressenti une impression partagée en refermant ce roman. En effet, tout le long de sa lecture, alors que je ne pouvais qu'apprécier le style développé par les deux auteurs, je me suis assez vite rendu compte que je ne comprenais plus rien à ce qui m'était donné à lire. En fait, pas si rapidement car je sais exactement où se situe le point de bascule. En effet, jusqu'à la page 252, j'ai eu l'impression que tout était clair. Pas tout à fait aisé d'appréhension, mais plutôt agréable à lire et semblant suivre un arc narratif à la fois complexe et tout de même linéaire. Bref, les ingrédients habituels d'une lecture exigeante telle que je peux les apprécier. Et puis, la page suivante, j'ai eu l'impression d'entrer dans un maelström littéraire qui ne semblait alors ne plus avoir qu'un lien plutôt ténu avec ce que j'avais lu dans la première partie. Des noms et des événements précédemment cités se retrouvaient, certes, mais plus j'avançais dans ma lecture, plus le fil qui me raccrochait à la réalité du roman semblait se déliter. Sans jamais se rompre, fort heureusement. C'est sûrement ce qui m'a permis, tout de même, de passer un très bon moment avec cette ALS qui est une entrée pour moi dans l'univers des LL Kloetzer (j'ai aussi CLEER qui m'attend dans ma bibliothèque et je compte bien un jour m'y plonger).

ALS est le genre de lecture qui travaille son lecteur longtemps après la dernière ligne lue. Pour preuve, je n'ai vraiment compris le titre que plusieurs jours après avoir fini le roman. Sous ce titre crypté, se cache en effet (peut-être ?) une sorte de clef pour mieux appréhender le personnage principal, celui autour de qui tout le monde (tous les événements issus de l'Evénement, le Satori lui-même) tourne, mais qui se dérobe dès qu'on tente la mise au point. Il échappe même au lecteur, qui ne le perçoit à chaque fois que de façon biaisée ou détournée. En somme, un personnage qu'on n'aperçoit que du coin de l’œil.

D'une appréhension pas toujours aisée (surtout dans sa deuxième partie), ASL est donc un roman qui se mérite. Le lecteur doit rester concentré, sous peine d'être largué. Un peu plus encore qu'il ne l'est à la première lecture. Parce que, bien sûr, pour apprécier ce roman à sa juste valeur, il aurait fallu le relire. Je suis persuadé que ça aurait été la meilleure manière de vivre l'expérience qu'il offre mais, malheureusement, je n'ai pas eu ce courage (le premier passage m'ayant déjà pris trop de temps et celui-ci n'est pas extensible à l'infini ; ce qui, vous en conviendrez, est fort regrettable). 

Cela fait bien longtemps que je répète dans ces pages que la collection Lunes d'encre fait un travail formidable car elle propose à ses lecteurs des romans qui sortent de l'ordinaire. Ici encore, Gilles Dumay a su donner sa chance à un livre aussi différent qu'ambitieux. Et si cet Anamnèse de Lady Star n'a pas su totalement combler les attentes que je portais en lui, il n'en reste pas moins qu'il s'agit là d'un excellent roman délivrant une expérience de lecture que je conseille à toutes et à tous de réaliser.

Anamnèse de Lady Star - Denoël - collection Lunes d'encre - 480 pages - 21,50€ - D.L. : avril 2014

note : III

A.C. de Haenne




Commentaires

  1. J'en ai eu le même sentiment à la lecture, avec une dernière partie où l'on se perd un peu mais du très positif dans sa globalité. Et plusieurs mois après, je suis encore plus convaincu de la grandeur de ce roman !

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    1. C'est clair que l'impression positive grandit en soi bien après la lecture. Rares sont les romans à provoquer ce genres de sensations.

      A.C.

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  2. tout ça me décide pas à franchir le pas ... Je crois que c'est définitivement pas pour moi.
    Par contre, tu t'en sors excellemment bien avec cette chronique !! Bravo

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    1. De toute manière, je pense que ton idée était faite avant même de lire ma chronique.
      Merci mais, paradoxalement (je ne m'y attendais pas moi-même), la chronique a été relativement aisée à écrire.

      A.C.

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    2. Disons, que ma réflexion a fini de murir. Mais c'est effectivement l'échange provoqué par ton statut facebook, qui m'a fait renoncer. Parce que j'ai bien failli l'acheter aux étonnants voyageurs mais il n'y en avait plus.

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    3. De toutes manières, la lecture doit être avant tout guidée par le plaisir qu'on espère en tirer. Si on a des réticences, ça ne peut pas marcher. Après, l'inverse est vrai. On peut très bien détester un roman sur lequel on portait de grands espoirs !

      A.C.

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  3. J'ai eu un peu de mal à écrire ma chronique sur ce bouquin, tant je n'arrivais pas à trouver les mots pour décrire mon ressenti. D'ailleurs, je ne savais trop définir ce que je ressentais à la fin, à part quelque chose comme "wahou". :-)
    Effectivement, en laissant un peu reposer la chose, j'ai commencé à voir se dégager une sensation plutôt agréable. Et vraiment l'impression d'avoir lu quelque chose d'à part et de vraiment singulier.

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    1. Sur ce genre de bouquin, la décantation est toujours salutaire. Mais pas trop, sinon le ressenti s'évapore... Même si je pense qu'il évolue plus que sur la plupart des autres livres. Il y a un autre roman, "Le glamour", de Christopher Priest, qui m'a laissé à l'esprit un peu ce même genre de sensation post-lecture, du genre "Waow !", puis, très vite "Qu'est-ce que je viens de lire ?"

      A.C.

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