Oms en série, par Stefan Wul
Que sont devenus les hommes ? Les
survivants du grand cataclysme ont été recueillis par les draags,
géants bleus aux yeux rouges, qui les ont emmenés sur leur planète, où
le temps s'écoule beaucoup plus lentement que sur la Terre. Asservis, domestiqués, ils sont devenus des oms, des êtres dégénérés au service de leurs nouveaux maîtres. Mais
peu à peu, menés par le jeune Terr, petit om d'une intelligence
supérieure, ils retrouveront le goût de la liberté et affirmeront leur
humanité face aux draags.
Denoël Présence du futur, 1997 (première parution 1957)
Nous n'allons pas parler
de l'Organisation Mondiale de la Santé, contrairement à ce que le
titre évoque à certains (suivez mon regard) mais bien du roman ayant servi d'appui à
La planète sauvage de
René Laloux. Nous allons parler d'Oms et d'Omes. Et ce ne sera pas
une promenade de santé. La Terre, comme d'habitude, a subi un
cataclysme et l'existence de créatures extraterrestres est un fait
avéré. Les Hommes, progressivement devenus les Oms, ont été
rapatrié par les Draags vers leur propre planète. Evolués
technologiquement et dans leur organisation politique, les Draags
profitent de leurs Oms de compagnie au long de journées réglées
comme du papier à musique. Il existe bien quelques Oms sauvages.
Cependant, ils ne sont pas en mesure de s'organiser et de menacer la
suprématie Draags... Hum ?
Tout
l'intérêt de Oms en série se
situe bien dans le destin croisé des deux espèces que nous suivons
à tour de rôle ou presque dès le premier tiers du roman. Les Oms
sont bien les descendants d'une espèce régnant en maître sur leur
ancienne planète. Forts de leurs avancés technologiques, leurs
ancêtres en étaient arrivés à faire fonctionner une société
entière sans soubresaut ou remise en question. Les Draags sont
également avancés sur le plan technique et semblent accorder une
grande confiance aux rouages de leur société. De là à dire que ce
qui causa la perte des Hommes sera ce qui précipitera la chute des
Draags... Le moins que l'on puisse dire est que la « menace »
qui pèse sur les Draags se met progressivement en place et que ces
derniers, sûrs de leur condition, semblent bien incapables de
réellement l'endiguer.
Menés
par Terr, ancien Oms domestique émancipé (non pas nommé ainsi en
fonction de l'origine de ses ancêtres mais bien pour son caractère
terrIBLE), les Oms sont désireux de liberté. Nous ne savons pas
trop s'ils ont connaissance de l'histoire de leurs aïeux mais,
manifestement, ils font preuve de la même détermination au point
d'inquiéter certaines éminences grises Draags.
Oms en série est
rondement mené, comme d'habitude chez Stefan Wul. Se concentrant sur
une question de fond, les autres péripéties ne semblent présentes
que pour donner du volume au propos principal. Ici, l'interrogation
porte bien sur l'immobilisme des sociétés, trop confiantes en ses
ressources pour s'inquiéter des dangers imminents jusqu'à ce qu'il
soit trop tard pour y faire quoi que ce soit. Nous pouvons faire des
analogies à plusieurs niveaux avec l'histoire, lointaine ou plus
récente, politique ou écologique. En se souvenant que Oms
en série parut en France au
milieu des années 1950, par un auteur français, la grande confiance
de l'Etat en sa force militaire post-première guerre mondiale
n'a-t-elle pas facilité la montée des extrémismes ? La Ligne
Maginot a eu une efficacité toute relative... L'immobilisme face à
un usage abusif des ressources de la planète n'est-il pas un
problème également ? Même si aujourd'hui, cela s'agite un
peu, n'aurait-il pas mieux fallu s'inquiéter avant ? Oms
en série s'achève sur une note
plutôt optimiste en forme de « Faites gaffe ! Le salut
est encore possible mais il s'en faut de peu ! ».
Je
reproche souvent à Stefan Wul la simplicité de ses trames et
l'enveloppe un peu rudimentaire comme si, alors qu'un roman nous est
présenté, nous avons à faire avec une nouvelle. Non pas que je
n'apprécie pas les nouvelles, bien au contraire, je ne peux pas
m'empêcher d'attendre autre chose d'un roman. Ici, même s'il y a
une certaine frustration à ne pas en savoir plus ni sur l'avant ni
sur l'après, je me dis également que la construction de l'ouvrage
est tout à fait cohérente ; au contraire, davantage de détail
aurait presque pu faire retomber l'intérêt. Bien écrit, récréatif
et en même temps soulevant des questions intéressantes, Oms
en série est une super chouette
expérience !
Note :
III+
Valer
Daviep – Les Murmures.
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