Stalker - DVD

Dans un pays indéterminé existe la Zone, un endroit mystérieux qui est apparu on ne sait comment. Une chute de météorite ? Peut-être mais rien n'est moins sûr... Quoi qu'il en soit, cette Zone est interdite car présumée dangereuse. La police a ordre de tirer sur quiconque tenterait de briser l'interdit. Pourtant, certains parviennent à y faire entrer des gens, au péril de leur vie. Ce sont les Stalkers. L'un d'entre eux fait passer un écrivain et un scientifique, qui veulent accéder à la chambre, un endroit où les désirs les plus chers peuvent être exaucés...

Stalker (1979, 2h43), film soviétique d'Andreï Tarkovski, avec Alexandre Kaïdanovski, Anatoli Solonitsyne, Nikolaï Grinko, Alissa Freindlich...


Ce film est censé être l'adaptation du court roman des frères Strougatski, Pique-nique au bord du chemin (Пикник на обочине) qui date de 1972 et que l'on connait mieux à présent sous le titre de Stalker. Or si Arkadi et Boris Strougatski sont bien crédités au générique de ce long-métrage, il semblerait bien que ce soit pour de sombres histoires de censure. Parce que si la toile de fond du roman (la Zone, les Stalkers, etc.) est ici conservée, avec un Stalker qui évoque celui du livre (même si son nom, Redrick Stouhart, n'est jamais évoqué, sa fille est toujours une mutante surnommée Ouistiti), on s'éloigne très rapidement des thèmes du bouquin.

Parce que le réalisateur né en Russie (et décédé en France en 1986) a ses propres obsessions. Je suis loin d'être un spécialiste de ce que d'aucuns considèrent comme l'un des plus grands réalisateurs russes (avec Einseinstein), mais comme dit Pierre Murat en bonus de ce DVD, Andreï Tarkovski veut rendre ici hommage aux faibles, aux sans-grades, à ceux par qui le salut viendra alors qu'ils ne s'en sentent pas capables. Et si son film a connu moult mésaventures (outre la censure qui semblait s'acharner sur lui, des problèmes de développement de pellicules Kodak lui ont fait perdre tout une partie de son film qu'il a dû retourner, et il a même dû se séparer de son directeur de la photographie avec qui il a eu des différents pas qu'artistiques), c'est peu de dire que le résultat final est d'une beauté renversante. Film en deux parties distinctes, celle qui se passe hors de la Zone est en un noir et blanc qui reflète bien la crasse d'un monde en déliquescence alors que celle dans la Zone s'éclaire en couleurs où le vert de la Nature domine. Mais est-ce un film sur l'antagonisme entre la faillite de la civilisation (la critique du système soviétique est évidente, bien sûr) et la renaissance du monde par la Nature ? Je ne saurais trancher parce que la Nature sans l'Homme est une idée vaine (même si elle n'a vraiment pas besoin de nous, il est clair que nous aurions du mal à réellement nous passer d'elle). Pour l'anecdote, de nombreux membres de l'équipe technique, des acteurs et même le réalisateur sont décédés de cancer quelques années après ce tournage long et éprouvant dans la région très polluée de Tallinn. Et si dans le roman des frères Strougatski une visite extra-terrestre était explicite (l'Homme ne serait qu'une fourmi venue récupérer des miettes de ce pique-nique intergalactique au bord du chemin), si ici une mystérieuse météorite est évoquée pour "expliquer" la Zone, comment ne pas penser à ce qui va se passer à Tchernobyl en 1986 ? L'oeuvre des Strougatski (et par extension celle de Tarkovski) est-elle prémonitoire ? Comme tout bon roman (film) de Science-Fiction qui se respecte, elle place dans un futur le reflet du présent. Le système soviétique avait en soi les racines d'un mal qui ne pouvait qu'exploser, vidant toute une région de ses habitants. Dix-sept (huit) ans après, comme un hommage paradoxal, les liquidateurs de la Zone de Tchernobyl sont surnommés les Stalkers...



© Calamonique.com

Film contemplatif s'il en est, le Stalker de Tarkovski fait partie de ces œuvres qui se méritent et qui, au final, récompensent son spectateur. Celui-ci, même s'il n'a pas tout saisi en une seule vision, sait qu'il a assisté à un spectacle total, d'une richesse rarement égalée sur grand écran (même s'il s'agit ici d'une vision en DVD). Pour ma part, même si je vais la repousser encore, j'ai hâte de me plonger de nouveau dans ce voyage dans la Zone proposé par un cinéma différent.

note IV


A.C. de Haenne

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